Les grenouilles de Vitold de Golish

Blick « Le Blog du Loriot » n° 4 - Dimanche 5 mai 2024.


Pourquoi Les Jardins du Loriot sont influencés par l'Extrême Orient ?

Comment l’accent de Vitold de Golish m’a fait découvrir l’univers birman et l'Asie ?

De nombreuses personnes croisées aux Jardins du Loriot me demandent la raison pour laquelle ils ont un accent asiatique. J’ai toujours eu de la peineBurmese Frog 2Petite "Krenouille" birmane à répondre de façon claire et nette. Créer un jardin est un rêve d’enfance, entretenu par une pratique familiale ancestrale. Mais pourquoi cet aimant puissant qu’est l’extrême orient et l'Indochine a produit son effet sur l’esprit du parc ?

« Le hasard ne profite qu'aux personnes qui s'y préparent » Lous Pasteur.

A bien y réfléchir, un mot a changé mon regard sur un monde extérieur à celui, feutré, de mon enfance, et par un étrange ricochet, a modifié la façon de faire évoluer le style de notre jardin familial. Je vais vous raconter l’histoire de la « Grenouille » de Vitod de Golish. Ce tout petit détail de mon histoire familiale.

Femme GirafeFemme Karenni dite Femme-GirafeAu cinéma Rex, bien avant l’arrivée de la télévision dans notre foyer, en famille nous allions écouter, voir et découvrir des pays lointains tel celui où habitent les « Femmes girafes » dans une partie de l’Etat où vivent la population Karenni, à l’ Est de la Birmanie, à proximité de la Thaïlande. Avec sa « lampe de chevet » focalisée sur ses notes, son micro et son magnétophone le conférencier, Vitold de Golish  nous avait fait entrer, de façon captivante, dans la jungle birmane pour découvrir son peuple, ses habitudes, sa flore et sa faune, jusqu’à qu’à l’univers des batraciens aux variétés infinies dans cette région du monde. Comme la « Madeleine de Proust », le mot grenouille prononcé par le conférencier, avec ses intonations slaves, avait fait sourir mon père. Pour quelles raisons ? je ne sais pas (peut-être se souvenait-il de l’accent de son arrière-grand-mère paternelle). Toujours est-il que, depuis cette séance, la simple vue d’un batracien ou  le mot "grenouille" évoquait chez mon père, le nom du conférencier et l’univers de l’ancien empire des Indes. La grenouille s’était faite plus grosse dans notre esprit que les éléphants conduits par les cornacs karenni !

Travail des éléphantsLe travail des éléphants dans l'Etat KayahBien après le temps des « Connaissance du Monde », à l’issue de mes études universitaires, j’ai choisi de réaliser et de soutenir en en 1971-1972 des recherches en sciences politiques sur  l’instauration  de la dictature du général Ne Win en Birmanie  et sur la lutte armée qu'elle a provoquée. Le hasard du mot  « Krenouille »  m’avait  offert l’opportunité de découvrir, quelques temps auparavant, les travaux  d’ethnologues et d'autres  anthropologues (que  Vitold de Golish). Par cette pure contingence et ma curiosité grandissante, j’ai ainsi entrevu, derrière le sourire des femmes girafes, une réalité douloureuse, celle d’une dictature durable qui classe aujourd'hui ce pays  entre la Corée du Nord (soutien avec le Russie du « Myanmar"), et l’Afghanistan en ce qui concerne les libertés publiques. Le classement n'est pas mieux au regard de l'indice de richesse de la population. Vitold de Golish ne serait pas surpris en apprenant que les irréductibles Karenni jouent aujourd'hui un rôle majeur pour un retour à une paix durable en Birmanie.

Depuis ce temps de jeunesse je suis très attaché à cette nation, à sa richesse culturelle, à la beauté de ses paysages - et suis de près le combat quotidien du peuple pour un retour durable à la démocratie.

« La beauté n’a de sens que si elle est partagée » Georges Orwell (Une histoire birmane, 1934).

Les Jardins du Loriot sont de plus en plus nettement marqués par cet attachement à la Birmanie et à l’Asie. Au point qu’un de mes petits-fils, Léandre, a scellé ce lien indéfectible par un mot aussi délicieux que celui qui résonnait dans les oreilles de Daniel, mon père : « Papy, ton Jardin on dirait une petite Birmanie !». Indirectement notre parc est aussi un hommage. à la jeunesse birmane. En pleine guerre civile, bien au-delà de l’ethnicité dans laquelle les dictateurs ont enfermé les 135 ethnies qui composent l'Etat birman, cette belle nation, cette courageuse jeunesse veut à tout prix le retour à la démocratie. Et jouir de la magnificence de ses paysages, de ses jardins, de ses richesses, et d’une forme de beauté du monde observable dans le miroir universel d'une humanité bienveillante.

Jacques Chaplain

 

Quelques mots sur Vitold de Golish

Le comte Vitold de Golish, né le 9 avril 1921 à Złoczów en Pologne (aujourd'hui en Ukraine) et mort le 17 juillet 2003 dans l’Eure, est un explorateur et écrivain d'expression française.

Autant archéologue qu'ethnologue, conférencier ou cinéaste, il vécut dans l'Eure. Dans son petit « Manoir du val » pourvu d'une jolie petite tour, il consacra sa vie à faire rêver, par le récit de ses aventures et ses expériences d'explorateur et d'archéologue, non seulement les lecteurs mais aussi les spectateurs de ses films long-métrage projetés pendant les conférences qu'il donnait régulièrement en France et à l'étranger.

Arrivé très jeune en France, patrie de ses ancêtres étaient déjà d’une famille d’architectes, il entreprend des études d'architecture à l'école des Beaux-Arts de Paris. Commence alors sa vocation de voyageur. Passionné par l'Asie, il organise en 1950 une expédition vers l'Inde et la Birmanie, baptisée « Tortue », en raison de sa grande lenteur. C'est le début d'une extraordinaire fidélité cette région du monde : vingt-trois séjours, représentant près de quinze années de sa vie à rencontrer des tribus inconnues du grand public, notamment celle des Femmes-Girafes et Femmes-Éléphants, à étudier des temples et monastères...

La chance s'offre à lui dans l'univers des Maharajahs. Pour avoir écrit leur Histoire générale, il reçoit le titre de Rajah, distinction exceptionnelle pour un Européen, ce qui lui permet de rapporter un témoignage unique, tant écrit que filmé sur leur vie intime.

Durant les années 1960, il participe régulièrement à l'émission de Pierre Sabbagh, Le Magazine des explorateurs. Il a publié des reportages dans Paris Match et présenté des conférences Connaissance du Monde qui avait lieu dans des salles de cinémas de nombreuses villes de France.

Texte légèrement adapté à partir de  Wikipedia FR

 

4 écrivains dans le "Vent des Lettres" aux Jardins du Loriot

A l'occasion de la Journée des Peintres et des Ecrivains, organisée le 15 août 2024, aux Jardins du Loriot, quatre écrivains ont relevé un défi de taille : écrire un texte à partir de la nouvelle scène chinoise installée en mai dans le parc et extraite du grand roman chinois "Voyage vers l'Ouest".

Merci donc à Pierre Deberdt qui a coordonné cet amical défi et à ses compagnons, par ordre d'entrée en scène (!), Pierre, vétérinaire à la retraite, écrivain intarissable, peintre et sculpteur, Michel Pelé,  cuisinier également bien connu, diffuse aujourd'hui  tout son savoir-faire en publiant notamment des livres de recettes, avec beaucoup de goût. L'histoire imaginée se poursuit avec Florence Regourd, professeur d'Histoire émérite, pour laquelle rien de l'histoire en Vendée de lui est étranger, y compris dans le domaine de l'art . Il revenait à Roselyne Retureau la redoutable mission de conclure : son expérience de l'écriture des livres de jeunesse a bien servi ce récit cousu à quatre mains.

Pour remercier nos écrivains, et sans doute en raison l'anecdote de La Porte des Chèvres à Fontenay-le-comte évoquée par Florence Regourd dans "Le Voyage du Dragon Petite Goule en Vendée",   je n'ai pu m'empécher de résumer le chapitre  053 - Tripitaka et Porcet font une grossesse démoniaque de Voyage Vers l'Ouest. Où il est question de deux grossesses démoniaques non voulues par Tang Sanzang (Tripitaka) et Porcet (Zhu Bajie). A propos du cochon anthropomorphe enceint, j'ai aussi voulu montrer à Pierre que l'entretien de ses connaissances vétérinaires est sans fin.

LectureP'titeGouleLecture par Pierre DEBERDT du récit écrit avec 3 autres écrivains de Vent-des-Livres le 15/08/2024 aux Jardins du Loriot. Photo de Roselyne Retureau.

Merci aussi à "l'homme de théatre" qui  déclamé ce récit  place des Ogres auprès d'un public attentif.

 

Le voyage du Dragon « p'tite Goule » en Vendée
et plus particulièrement aux Jardins du Loriot.

Je crois pouvoir vous l'affirmer avec certitude, pourquoi me tromperais-je ?, voici ce qui va se passer en 2146, le 15 août, au cœur de la bambouseraie des Jardins du Loriot. Certes me rétorquerez-vous, c'est dans 122 ans. Oui mais, vous le savez bien, c'est précisément tous les 122 ans que le dragon « P'tite Goule » fait des siennes.
Caché ici-même sous un nénuphar, peut-être ? Ayant pris l'apparence d'un panda pour croquer des tiges juteuses, pourquoi pas ? Statufié en granit bleu façon « monture de Moine », c'est possible ! Triton gourmand dégustant un Broyé du Poitou, je ne sais ?
Toujours est-il que l'aventure que nous allons vous raconter aujourd'hui, est vraie, trois fois vraie et vous pourrez aisément le vérifier par vous même le jour venu.

Pierre Deberdt.

 

Mais quel est donc ce drôle d'olibrius, ce drôle d'oiseau, cet emplumé bicolore au chant mélodieux et à la fois bizarre et incongru.

Eh bien, tu ne me reconnais pas ? Je suis le Loriot de la Marguerite, je viens me réfugier au cœur de tes bambous. Oh pardon ! de tes Fargesia jiuzhaigou, ou autre Fargeesia rufa, Phyllostachys. N'oublions pas non plus ces drôles de flèches bleues que sont les Borinda papyrifera, ou le fargesia murielae qu'il ne faut pas confondre avec le 'blue Lizard'.

Toutes ces solides perches, ont-elles aidé à régler quelques conflits sous le royaume de l'empereur de Jade, ou étaient-elles utilisées comme cannes pour réaliser des pêches miraculeuses dont seul Sun Wukong en est pourtant le gardien. Ou bien sûr ont aidé à revenir de la chasse les bras chargés de victuailles grâce à ces filiformes auxiliaires

Mais à propos de chasse et de pêche, quel est ce drôle de petit bestiau, si petit, si poilu, qui navigue à mes pieds, il ressemble à une brosse à reluire. Non, ce n'est pas possible, elle est trop rapide pour cela. Mais non, c'est un petit écureuil, que fait-il dans mes bambous. Que baragouines-tu l'écureuil, que viens-tu me piétiner les bambous ? Pourquoi ronchonnes-tu ? Tu sais très bien qu'il n'y a ici pour toi aucune pitance, ni noisettes, ni glands qui se développent dans ces feuillages, pas même un petit pignon de pin.

Je le sais bien mon petit Loriot, je ne viens pas ici pour me sustenter, mais pour, dans le chaume de votre futaie, m'abriter de la touffeur ambiante. Il n'y a pas même un petit coup de vent de noroît pour me faire hérisser les poils du dos et rafraîchir l'échine. Et puis il me semble avoir aperçu un drôle de vilain dragon à l’œil quelque peu belliqueux à côté de l'étang de Monet ou ces merveilleux lotus bigarrés nagent sur une eau reposée. Alors j'essaie de me cacher pour ne pas être la proie de ses crocs et lance-flammes. Hé oui, je ne sais pas encore que dans ces contrées, le dragon est aussi protecteur et porte bonheur.

Je viens donc me planquer avant de continuer ma pérégrination vers l'ouest. Mais je crois bien que je me suis un peu paumé et pense m'être légèrement mélangé les baguettes en essayant de lire cette drôle de carte I.G.N locale où il n'y paraît que monts et merveilles. Non non, monts et pièges !

Bien sûr, pour certains, je peux paraître un peu fêlé, mais comme le dis si justement Michel Audiard (un vieux pote) « Heureux sont les fêlés, car ils laissent passer la lumière ». Donc je corresponds au profil du lieu.

C'est quand même au moment où, devant moi, est passé le moine Tripitaka ou «patatratika », je ne sais plus ! Sur son cheval Long Wang Sanjun que je n'ai pu m’empêcher de m'incliner devant tant de majesté.

Moi qui rêvais d'un long voyage pour atteindre Thianzhu, je crois que maintenant, vous appelez cette grande contrée l'Inde ? J'y arriverais peut-être en passant par le sommet du mont des fleurs et des fruits. Là où il y a cette incroyable pierre magique qui acquit ses pouvoirs grâce à l’influence du ciel, de la terre, du soleil et de la lune.

Hé oui, rien que cela ! De tout ce petit monde, serait né un œuf, qui sous l'effet d'un bon Zéphyr, se serait transformé en un singe de pierre doté de cinq sens et de quatre membres (tiens, cela me rappelle quelqu'un !).

Bon ben, moi, j'ai l'air malin avec mes trois poils sur le dos, ce n'est pas comme cela que je deviendrais le gardien des chevaux célestes. Ni même serais élevé au grade du mérite du bois de santal.

Donc, je pense que je vais peut-être retourner dans ma futaie de chênes et châtaigniers de ma contrée pour tous les soirs m'endormir dans le lit chaleureux de jeunes feuilles et rêver à ces continents lointains, à leurs poésies et sagesses. Perdurent-elles ?

Chut !
Michel Pelé

 

L’affaire s’avérait bien risquée. P’tite Goule avait laissé dans l’Histoire de très mauvais souvenirs, et spécialement en Vendée où, par deux fois en des temps troublés, le moine Tripitaka fut chargé par l’empereur de Jade de la retrouver.
À l’époque, en 1170, et contrairement à ses habitudes ancestrales, P’tite Goule ne s’était pas tapie au fond des chaos du Piquet -soit dit en passant encore plus chaotiques dans ces temps anciens- mais elle avait divagué, par quels mystères ??? de l’Yon vers le Lay et, de là, par des souterrains creusés dans le calcaire, on l’avait signalée à Saint-Benoist où l’on venait de construire une église. La nef à six travées, le chœur et l’abside orientée à l’Est, faisaient l’admiration des pèlerins venus s’y recueillir. Car la légende de Saint-Benoist ressuscitant l’enfant attirait les foules. Et qui dit pèlerins dit abbé, et qui dit abbé dit proximité des novices et nonains ! D’autant que l’abbaye de Saint-Michel-en-L’Herm n’était pas très éloignée, ce qui attisait la gourmandise de la P’tite Goule. On disait que certains des chapiteaux historiés conservés dans la salle capitulaire la représentaient : l’un en sirène grotesque à la queue torsadée terminée en une sorte de pince, l’autre en être fantastique, le basilic, roi des serpents au regard qui tue. Comme P’tite Goule était réputée pour ses métamorphoses quand elle se sentait menacée, Tripitaka n’en menait pas large. Il gardait, même en 2146, le souvenir de cette expérience douloureuse où son dragon cheval blanc se déroba devant « le lapin qui fume » trônant sur le toit de l’église de Saint-Benoist. Singet se saoula honteusement de pêches de vigne, Sablet disparut dans le bénitier et Porcet se goinfra de lumas de toutes sortes jusqu’à se casser les dents sur une cagouille de pierre, sculptée en haut-relief à l’extrémité de la nef, côté autel. C’était l’avatar de P’tite Goule qui échappait ainsi aux « missionnaires ».
Une seconde fois, le grognon Tripitaka tenta d’attraper P’tite Goule. Il avait bien tancé ses compagnons, les avait abreuvés de conseils et de recommandations de sorte que, normalement, cette année 1536 devait être la bonne pour ramener le méchant petit dragon dans la bambouseraie du Loriot avant qu’elle ne s’acharne sur les gens de Piquet, et, muselée, ne soit renvoyée des Provinces de l’Ouest. Mais…pas de chance, le moine trouillard et sa compagnie s’égarèrent dans les ruelles de Fontenay-le-Comte, en plein dans les affrontements entre catholiques romains et parpaillots. Pris dans une rixe entre la Porte-aux-Chèvres et la Porte-aux-Canes, ils durent fuir, menacés par quelque bande de reîtres, alors même qu’ils venaient de débusquer P’tite Goule qui se prélassait, indifférente au vacarme, sur les rives de la Vendée. Ils tâchèrent de l’attraper entre deux coups de pique et d’arquebuse, mais elle était plus rapide qu’eux, sautant ici, tournant là. On crut la sentir (elle sentait particulièrement mauvais, sortie des marécages nauséabonds) à l’angle des venelles « l’Ours qui pète » et « la Font qui pisse », mais c’est dans l’impasse « des Gros besoins » qu’elle s’envola quasiment sous leurs yeux chevauchant un cheval sellé et bridé, faisant tomber sur la petite troupe impuissante, des étrons fumants. Même Singet, Sun Wu Kong, pourtant promu gardien des chevaux célestes par l’Empereur, ne put s’opposer à ces provocations. Porcet n’eut pas le temps de se servir de son râteau à 9 dents ni Sablet de sa lance magique. On en vint à se demander si GuanYin, elle-même, n’avait pas soudoyé P’tite Goule pour mettre encore à l’épreuve Tripitaka !
La petite escorte décida sagement de s’en retourner à la bambouseraie du Loriot en attendant des jours meilleurs !

Florence Regourd

 

Dans un immense jardin exotique, les couleurs vibrent et les senteurs flottent dans l'air.
Le soleil doré du 15 août baigne chaque recoin de lumière.
C'est le moment où Su Wukong, le roi des singes, peut de nouveau user de son pouvoir de transformation, un don qui lui permet de se métamorphoser en n'importe quel être vivant.
Tripitaka, le moine sage et déterminé, est conscient que retrouver Su Wukong dans ce jardin luxuriant, ne sera pas une tâche facile. Avec son esprit malicieux, le roi des singes pourrait prendre n'importe quelle forme, du plus petit insecte à la plus majestueuse créature. Armé de son bâton magique pouvant s'allonger et se rétrécir à volonté, Tripitaka se dirige vers les sentiers sinueux du jardin. Il essaie de se concentrer sur la voix de son ami, en espérant qu'elle le guidera vers lui.
- Su Wukong, où es-tu caché ? Ne te joue pas de moi !
Un bruissement attire son attention. Un papillon aux ailes chatoyantes vole au-dessus de lui. Il pivote dans les airs et, avec un ricanement malicieux, se pose aux côtés de Tripitaka. Avant que celui-ci ne puisse réagir, le papillon se transforme en un magnifique singe espiègle.
- Tu m'as trouvé si vite, cher maître, dit Sun Wukong. Je voulais m'amuser un peu avant de revenir à la réalité.
Soulagé, Tripitaka réprimanda malgré tout Sun Wukong.
- Tu sais bien que nous avons encore un long chemin à faire ensemble !...
- Quel plus beau chemin que celui de l'aventure, Tripitaka !

Roselyne Retureau

 

La grenouille de Madame Laffont

Blick « Blog du Loriot » - n° 01

Petit détail de l’histoire des Jardins du Loriot
Une grenouille verte…

 

J’entends les voix désormais silencieuses de mon enfance. Celle, par exemple, de Madame Boesch,  cette belle grand-mère  aux cheveux argentés qui m’invitait à partager la tranquillité et la magnificence de son jardin. Puis ce fut le temps de la Renaîtrie. Mes parents avaient conçu un petit jardin à la française avec ses parterres carrés, ses allées  symétriques, ses pergolas de rosiers. Métamorphosé à l’anglaise, à la suite de l' envahissement racinaire devenu incontrôlable d'un splendide  Mimosa julibrissin, ce petit paradis était composé de  charmantes scènes paysagères avec son puits, ses enrochements bordés d’un pin de Koster, ses marches délicatement maçonnées.  En son centre rayonnait discrètement  un  bassin serti de rugueuses rocailles ramenées, non sans mal,  d’Availles et de la brande sauvage du Pinail.  Je me souviens que le chargement de la charrette  tirée par un beauceron avait viré en cours de chemin dans un fossé. Le cocher de Monsieur Prédeau s'était-il assoupi, une roue avait-elle défailli, le cheval aurait-il pris peur en croisant une automobile ?

Ce bassin façonné par mon père Daniel, petit industriel-artisan avec son frère,  accueillait un pied de nénuphar. Celui-ci  faisait le bonheur de quelques grenouilles… Elles vivaient sous la protection d’une grande sœur. Cette amie fidèle n’avait pas fait beaucoup de chemin pour en arriver là. Plus bas dans la rue, habitait Mme Laffont. Elle louait une partie de sa grande maison aux « Contributions directes ». C’est là que Suzanne, ma mère exerçait la fonction d'agent d'assiette ! Avant de partir vers un autre monde, Madame Laffont  avait donné à mes parents, un banc de pierre de Chauvigny, une belle table de ginguette 1900 et… une grenouille en fonte, survivante d'un jeu d'adresse.  Il fallait essayer de lancer des piécettes dans la gueule de la grenouille.

Désormais aux Jardins du Loriot, fixée sur une pierre de rocaille. la grenouille de Madame Laffont.

Pour garder le souvenir de  La Renaîtrie, j’ai emporté quelques reliques à La Mancelière. La grenouille en fonte de Madame Laffont, le banc de pierre sur lequel La Fontaine aurait pu écrire une poésie pour sa printanière cousine Jeanne Pidoux, tout près de la Renaîtrie, sur le chemin de son exil… à Limoges.  Je n’ai pas oublié non plus  sa table de guinguette… avec ses chaises d’époque, ambiance La Grenouillère garantie !

GrenouillesBassins1 2Bassins des Nympheas et des Grenouilles - Créations décoratives Rolland Joubert et Les Jardins du Loriot

Dans les allées bordant les bassins superposés des nymphéas aux  Jardins du Loriot, vous pourrez à votre tour  imaginer, assis sur  le petit banc de pierre de Madame Laffont,  l’histoire de cette grenouille verte parmi toutes les grenouilles en terre cuite, en méditation,  conçues récemment  par l'artiste  Rolland Joubert, un ami nantais,  pour les Jardins du loriot.

Ces souvenirs d'enfance  à propos de cette grenouille  m'expliquent, seulement aujourd'hui, l'intérêt que je porte à la création de bassins (mais aussi la fabrication d'éléments décoratifs). Dans  tous les jardins de mon enfance il y avait au moins une pièce d'eau. Là où je suis né, j'ai chuté plusieurs fois dans le bassin du potager ! Dans le jardin de Madame Boesch, des petits ponts  en rocailles ajourées permettaient d'entrevoir les reflets d'or des  poissons rouges habitués à  leur modeste habitat. Entre les murs de tuffaut  du jardin de mon grand'père rayonnait un bassin circulaire planté d'iris, pièce centrale et nodale d'univers très  différents. Il  donnait sur ses plates bandes, ses fruitiers, sa grande pergola et son poulailler,  mais aussi, étrangement, côté ouest sur la petite usine famililale. La remarque n'est pas anodine : mine de rien, gosse j'observais comment travaillaient mon oncle et mon père, mais aussi l'adresse des ouvriers. Rue de la Renaîtrie le bassin de mon père était aussi au centre du jardin !

Jacques Chaplain

Post Scriptum :  Quelques précisions sur le Jeu de la Grenouille que je ne connaissais pas jusqu'alors.  Dans ce jeu dit "de tonneau", la grenouille était placée sur un meuble  en bois avec d'autres petits éléments en fonte (arceaux, pontets, roues à aube..). Par les ajourements situés sous chaque élément du jeu, la pièce lancée par chaque joueur pouvait tomber dans des casiers situés sur les étagères inférieures. Chaque casier représentait une valeur ! C'est ainsi que les plus adroits ou les plus chanceux  des joueurs pouvaient imaginer gagner au moins 1000 francs ! Si Daniel n'avait pas fixé ad vitam aeternam cette grenouille sur sa rocaille, j'aurai, peut-être, eu l'idée de devenir riche en m'adonnant au jeu !  Mais aussi,  me direz-vous; j'aurai pu installer la Grenouille de Madame Laffont dans une fontaine style Trévi aux Jardins du Loriot, pourquoi pas, tout jardin est un lieu de sociabilté et de partage.

Articles en relation :
Les Grenouilles de Vitold de Golish,
Poéme de Cossima Neel.

Voyage de Sun Wukong vers la Vendée

Voyage de Sun Wukong en Vendée
Lettres de voyage vers l’extrême Ouest.

Blick « Le  Blog du Loriot » n° 03

Extrait du « Nouveau voyage des Pèlerins vers l’extrême Ouest »

Mon Cher Loriot,

Je ne t’apprendrais rien en te disant que je suis né d’un œuf de pierre, sur l’île des fleurs et des fruits. Les esprits célestes ont voulu changer ma destinée et celle de mes compagnons : désormais nous devons poursuivre notre voyage vers l’ouest dans un pays dont nous ignorons à peu près tout. En consultant la carte, j’ai de la peine à imaginer quel est ce pays de l’Extrême-Occident appelé Vendée. Notre destination aux Jardins qui portent ton nom me rassure : j’adore les jardins de façon monomaniaque. Ne t’inquiète pas pour autant , tu dois oublier mes excès de jeunesse commis notamment à ce fameux "Banquet des Pêches" auquel je n'étais pas convié, à mon grand dam. Je sais désormais que je ne dois plus cueillir à l’excès les pêches  d’immortalité. J’ai appris à me contenir. La preuve, la bienveillante et miséricordieuse Boddhisattva Guanyin (觀音) et et le bon Moine Tripitaka (唐三藏) ont bien voulu me garder dans leurs nouvelles aventures vers  l’Extrême-Ouest.

Tientsin, février 2024

Signé : Sun Wukong 孫悟空 "Enfant-Conscient-de-la-Vacuité"

Ps Si j’ai commis des excès avec des pêchers, plus précisémenet avec les fruits de ces arbres, ne vois rien de mal si je te dis que toi aussi tu n’hésites pas à ne laisser aux Jardiniers que des noyaux et des queues de cerises. J’ai beaucoup d’estime pour toi car, d'abord, tu es un merveilleux « chanteur arboricole », et puis tu as le sens de la famille, tout ce que tu fais c’est aussi pour nourrir tes petits, alors que moi j’angoissais de disparaître un jour, mais aussi pour toute la compagnie des singes de mon île, alors j’ai cueilli les pêches à l'excès, lors d'une importante Fête des Pêches pour que nous devions tous des Immortels !

Mon cher Loriot,

De l’extrême sud de la Corée le 22 février. Nous avons tous crié « hourra, hip hip hip hourra ! » lorsque le vaisseau Al Zubara est arrivé. Nous avons embarqué avec tous les égards dus à notre vénérable Moine Tripitaka. Le Capitaine nous a fait une fleur, nous sommes logés dans les étages supérieurs du bateau qui, tiens-toi bien, fait 400 m de long et 60 m de large. Zhu Bajie (豬八戒) couingne, il ne pense qu'à se goinfrer et à fonder une famille. Il espère que le voyage ne durera pas plus de 45 jours. Mais c’est mal parti. Comme le Rotterdam, Al Zubara retourne en Chine pour aller de port en port, avant de filer vers Singapour. Heureusement Guanyin nous exhorte de rester calme tandis que Tripitaka médite « à la limite de la pensée ».

Je viens d’apprendre de la bouche du pilote du vaisseau que le Capitaine s’appelle « Kurt von Strass ». C’est un personnage étonnant, marié à une Comtesse de Hong-Kong qui passe son temps à observer les oiseaux du monde entier et à les dessiner. Comme Kurt elle parle le mandarin,  le français, l’allemand et  l’anglais. Tu ne seras pas étonné si Kurt nous a invités, pour ne pas trouver le temps trop long, à apprendre le français mais avec un léger accent allemand. Nous avons un cours le matin et un cours l'après midi. Entre temps  le capitaine nous passe des cassettes distrayantes en français, "Tintin et le Lotus Bleu", "Les 3 petits cochons", "Le petit chaperon rouge"... En soirée, nous sommes invités de temps en temps à un concert. Hier au soir, nous avons eu la surprise d'entendre la  Comtesse chanter à tue-tête et  en français. Zu Bajie était aux anges lorqu'il  a cru entendre "La truie vagabonde". Il fut déçu lorsque le Capitaine, avec diplomatie, lui fit comprendre qu'il était question de truite et non de truie.

Port de Buzan en Corée
Signé : Sun Wukong. 

 

PS Nous avons tous hâte de te rencontrer. Alors nous avons  demandé aux dieux vivant entre ciel et terre, aux diseurs de bonne aventure, aux chamans et autres quimboiseurs où tu pouvais loger en ce moment. Parce que lorsque tu prends ta plume pour nous écrire, tu ne dis rien sur ton pays d’origine. Tu es un vrai cachotier. Tous les oracles nous disent où tu niches (manière de dire, car le Capitaine, d’une culture immense comme tous les océans, nous a dit que tu allais en Europe pour « faire l’amour » selon l’expression de baron Buffon !). Tout le monde dit un peu près la même chose , tu vivrais  la fin de l'été, l'automne et l'hiver notamment au Soudan. Dis-nous si c’est vrai. Parce que nous allons prochainement passer non loin de cette contrée. Le Capitaine est aussi très enjôleur : pour nous flatter et nous rendre patients,  il nous a dit que lorsque nous passerons Singapour, nous serons les seuls Pèlerins chinois  à avoir été reçus dans les 7 plus grands ports du monde ! J'imagine, mon cher Loriot, que tu es bien au-dessus de toutes ces considérations.

Mon Cher Loriot,

Début mars, l’optimisme est de rigueur. Après (encore) plusieurs arrêts auprès de plusieurs  installations portuaires en mer de Chine (Macau, Hong Kong…), nous avons définitivement dépassé Formose. « Un air nouveau qui nous vient de là-bas » s’est mis à chanter Zhu Bajie en chinois. Effectivement le 11 mars nous devons arriver à Singapour. Comme d’habitude Sablon (c'est son nom en français) nommé en Chine Sha Wujing (沙和尚) ne dit pas grand-chose. Toutefois, avec de la patience nous serons tous récompensés nous serine-t-il. Nous l'apprécions dans l'équipe pour sa recherche permanente de la perfection.

Singapour le
signé Sun Wukong dit "Grand Saint Egal du Ciel"

PS Avant de t’envoyer ce message, il faut que je te dise l’aventure qui nous est arrivée à Singapour. Nous avons demandé au capitaine, bellâtre à la chevelure absalonienne et grande barbe argentée, si l’on pouvait avoir quelques heures de permission pour visiter le fameux Jardin botanique de Singapour. Avec son regard perçant (petit détail il a une tête de chien tibétain avec des yeux d'épervier !) : «  Si vous ne revenez pas à l’heure on partira sans vous . Alors ne perdez pas de temps ! ce jardin botanique est à 30 km d’ici ».

Nous sommes vraiment des amateurs de jardins, comme toi. Nous nous sommes vraiment régalés… sauf qu’au moment de repartir rejoindre Al Zubara nous avons perdu Zhu Bajie. C’est Sablon qui l’ a retrouvé et ramené à bord manu militari ce sacré cochon. Il s’est souvenu qu’il était resté quelques instants à discuter avec un vieux Chinois venu apporter quelques offrandes sur un petit autel dédié à Bouddha. Quand la belle équipe est revenue à l’autel, le vieux Chinois avait disparu mais Zhu Bajie était en train de se goinfrer en dévorant les offrandes de bananes, de gâteaux fourrés et autres gâteries abandonnées par les visiteurs. « Pardon je m’excuse, proféra le cochon, mais tout ça c’est de la nourriture perdue, et comme je ne suis pas un Parfait Immortel d’après ce que l’on m’a dit, j’ai le droit de manger les restes des offrandes, telle est ma destinée ».Pour la défense de Su Bajie je reconnais que notre « nettoyeur d’autel » ne mange pas de cochonnaille !

Ton ami Sun Wukong

Mon cher Loriot,

Lorsque nous avons quitté Singapour, Zhu Bajie s’est plaint ne pas manger à sa faim à bord. Puis il a fait un véritable esclandre lorsqu’il a vu sur la carte du capitaine qu’ Al Zubara ne passerait pas par le Canal de Suez. En effet, ce personnage haut en couleurs pensait qu’il allait passer de la Mer jaune à la Mer rouge, en douce, mine de rien ! Non, direction Cap de Bonne Espérance. Zhu bajie : « tu parles d’une Bonne espérance on doit se rallonger d’une éternité ». C’est le Moine qui l’a calmé en lui expliquant très simplement que c’était la guerre en Israël… et qu’il était prudent de ne pas passer par le canal de Suez. Il lui tint un peu ce langage : « Comprends, aimable pèlerin que le meilleur chemin dans la vie ce n’est pas forcément le plus court ». En étant patient, il est possible d’arriver à ses fins. Passé le Cap de Bonne Espérance, le moral est revenu. Kurt von Strass a lu à ce moment-là, les aventures de Vasco de Gama. Zhu Bajie nous a fait honte en ronflant comme jamais. Tripitaka lui a susurré à l’oreille, « ne t’inquiète pas nous tenons le bon bout ». Toute la belle équipe a bien rigolé lorsqu’il a dit en se réveillant dans un français approximatif : « je suis fou de joyeux » dans la perspective de remonter la corne de l’Afrique « à toute vapeur ».

En virant le Cap de Bonne Espérance,
Signé Sun Wukong dit « conscient de la vacuité ».

Ps. Finalement je comprends le désarroi de Zhu Bajie lorsqu’il a appris, en quittant Singapour, que nous ne passerions pas par le canal de Suez, il voulait peut-être s’approcher du passage habituel des oiseaux migrateurs. En effet, hirondelles et loriots de ton espèce passent non loin pour revenir en Europe. Subtil notre cochon anthropomorphe, n'est-ce-pas !

Cher Loriot,

Nous avons bien pensé à toi, en passant par les îles Canaries ! Le moral est au beau fixe. Nous prenons la direction de Tanger. Puis direction Southampton et enfin Le Havre. Le capitaine Kurt von Strass nous a dit qu’il ne pourrait pas s’arrêter en cours de route à hauteur des Sables d’Olonne. Notre vaisseau est trop important . Si tout va bien, nous arriverons le 22 avril, c’est drôle cela concorde parfaitement avec le jour habituel de ton arrivée en Vendée, aux jardins qui portent ton nom .

Nous sommes vraiment impatients d’entendre ton chant mélodieux pour t’entrevoir dans la canopée.

A hauteur du Sénégal,
ton Sun Wukong et tous mes fidèles amis.

PS Sais-tu qu’en Chine il y a plusieurs variétés de loriots, mais comme toi ils sont tous fructivores et insectivores arboricoles. Ils peuvent même manger des petits crustacés en cas. Le Capitaine nous a fait écouter ton chant et celui d' Oriolus Sinensis sur sa tablette magique. Leurs chants se ressemblent. Ils ont de nombreuses variations tonales. Lors de notre « Voyage vers l’Ouest » nous ne savions pas que c’est ton frère chinois qui tioulait aussi joliment avec des "doo-dlee-oo", "ku-i-oo", "kwia-lu" ou "tu-u-liu". Qui imitait le chat qui miaule "meee-aoou". Qui imitait les étourneaux ou autres congénères avec un "pee-yaaaaoouw" suivi d’un "kee-aaaoouw". Qui changeait de ton lorsque les petits sortent du nid suspendu, avec des "kyerrr" retenus par l’inquiétude de la femelle très maternelle répondant aux encouragements prudents du mâle fier de ses petiots .…

Mon Cher Loriot.

LoriotAssietteBernodoLoriot à capuchon noir - Porcelaine de Limoges Bernardaud dénommée Assiette creuse à aile de Loriot de Chine.Le 22 avril, pile poil, nous sommes arrivés au Havre. Quel bonheur ! Nous avons eu l’honneur de l’échevin de la ville. Il a  mis les petits plats dans les grands . Lorsque nous sommes arrivés à l'Auberge de la Tête-Noire, Kurt nous a réservé effectivement une bonne surprise : nous avons eu droit à un couvert royal. Sais-tu que les assiettes disposées sur la table de réception te représentaient à la manière des gravures de Buffon dans son Histoire Naturelle ? Mais là, on y perd complètement notre chinois ancien. Kurt nous avait dit que les loriots d’Europe avait une tête très jaune. Alors, cette tête noire dans le creux de nos assiettes nous intrigue car elle semble représenter un loriot de Chine ! Regarde, il ne porte pas un bonnet jaune mais un bonnet noir !

Pour la petite histoire Zhu Bajie nous a fait encore honte. Après s'être goinfré en demandant sans cesse "Du rab, du rabe, du rabiot !"  à la fin de la réception il s'est mis à  lécher toutes les assiettes royales. Peu importe le décor des fonds d' assiette : loriot, martin-pêcheur, verdier, canari… tout y est passé. J'ai appris au Havre cette belle expression "Pique-assiette" qu'un serveur a prononcé en voyant Porcet à l'oeuvre. Ce pauvre imbécile a de la peine à faire la différence entre un hôtel de ville et un autel d’offrandes. Pourtant Zhu Bajie a de l'oreille ! A son corps défendant, quand  on apprend le français ce n'est pas facile de faire la nuance   entre "hôtel" et "autel". Je suis injuste cela se prononce de la même manière.

Vraiment pressé de te rencontrer pour voir ta tête quand on va débarquer avec toute l’équipe. Réserve nous tes meilleures vocalises dont tu as le secret pour nous accueillir chez toi. J’arrive vite, ta femelle pourra parachever son nid douillet avec quelques poils prélevés sur mon cou, je te promets, et la portée sera pleine d’espérance.

Le Havre le 23 avril,
signé Ton fidèle ami, Sun Wukong, dit parfois "Singe-de-pierre".

P.S. Nous avons été très émus de devoir quitter le Capitaine Kurt von Strass. On ne pourra oublier sa frimousse très particulière bien différente de celle du Capitaine Haddock. En fait on dirait "la tête un chien tibétain avec un regard d'épervier" !.  Et quel puits de science je le répète : quand tu penses qu’il a comparé l’édile du Havre à Sima Guang ! et soutenu que la gravure du Loriot à « Cap Noir » reproduite au fond de l’assiette des invités a probablement été rapportée à Louis XV dans la caisse d’ un missionnaire en poste à Péking au XVIIIe siècle. Alors là je dis à Kurt : « Chapeau ! » Puis, tout s’est passé très vite. En guise d’ au revoir, le Capitaine  a demandé à un de ses mousses de faire une photo avec notre groupe. Je te l'enverrai; Au centre, Kurt et son hôte. Tu verras combien Zhu Bajie est hilare, alors que nous étions tristes. Quel imbécile, Il ne cessait de répéter « Merci et salut Capitaine Kurt von Strass, grâce à vous nous sommes arrivés à bon port !».

Ah ! j'oubliais de te dire, lors de la cérémonie avec l'ancien premier ministre, j'ai eu l'idée de mettre de l'ambiance en lui proposant de jouer à "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette..." A ce moment Guanyin m'a lancé un regard pétrifiant. J'ai ressenti immédiatement une très vive douleur à la tête : elle m'a menacé de m'affubler à nouveau, pour 100 ans, d'un cercle de constriction. Puis, gentillement elle a fait un geste comme pour désserrer l'anneau magique en me disant: "Selon les préceptes de Confucius, chacun doit rester à sa place. Imagine, au XIe siècle, chez les Song du Nord, cet honorable mandarin aurait porté  au moins 7 plumes à sa ceinture...ce n'est pas rien". Heureusement ma gaffe n'a pas eu de suite. Au fond maintenant que je suis au pays le plus à l'extrême ouest  je ne dois abuser de mes pouvoirs magiques dont celui  de ma pilosité sauf  cas exceptionnel.

Mon Cher Loriot.

Le 25 avril, Toujours au Havre. Nous sommes consignés 7 jours pour des raisons sanitaires sur un quai  rempli de grues, avant de partir pour la Vendée. On nous dit qu'il y a plein de papiers à remplir, à tamponner, des espaces à créer, des portails à ouvrir avec des mots magiques à découvrir, à puis répéter, des droits de douane à payer... Pendant ce temps là, nous nous occupons comme nous pouvons. On chante sous la pluie, Tripitaka se réfugie dans la méditation en psalmodiant des sutras, Zhu bajie implore les visiteurs de lui faire des offrandes, mais toujours  sans charcuterie. Sablon, notre porteur est plus pratique, il se demande comment avec ces pluies incessantes l'équipe va pouvoir débarquer aux Jardins du Loriot sans s'ensabler ou s'embourber. Heureusement il sait comment s'y prendre. Il était Grand Maréchal des Roseaux et s'en sort très bien dans les marécages.

Pour rester sur une note optimiste, toujours à  propos de plume, je t'envoie texto une chansonnette. Sans vouloir t'offenser, je l'ai légèrement transformée pour toi : "Au clair de la lune, mon ami Loriot, prête moi ta plume, pour écrire un mot"  Tout ça pour te demanded de m'offrir une seule plume de ton beau ramage, en échange de 3 poils pris dans mon cou.

Une bonne nouvelle : nous arrivons le 6 mai aux Jardins du Loriot. Nous répétons  ensemble :  "On the road, again, again" et "I'm singing in the rain...". Nous serons tous  bottés car "à-ce-qu'il-paraîtrait"  il n'y a là-bas  "que d'eau, que d'eau !" selon le célèbre mot du Céleste Maréchal  MacMahon. Nous restons résolument optimistes car Zhu essaie de nous persuader que nous ne verrrons "que la surface de l'eau". Tu noteras que Zhu Bajie, que nous aimons tant,  veut garder ses pattes de cochon car elles sont insubmersibles, il ne veut pas être pris pour  "Le chat botté" ! Si toi l'ami loriot tu es assez malin pour miauler je ne suis pas sûr que le  cochon puisse  faire de même ! Dernière nouvelle : le  cheval de Tripitaka, Lonwang sanjun 龍王三君 « Troisième Fils du Roi-Dragon », devenu 白龍馬, le « Cheval-Dragon Blanc », s'est enfin fait entendre, pour  la première fois depuis près de 3 mois, en poussant un grand hennissement (bien sûr, en lisant  ma lettre à haute voix à ta femelle blottie dans son nid douillé, ne fais pas la liaison avec le H aspiré !!!).

Sun Wukong,
on m'appelle parfois 马温 Bìmǎwēn,  Doux assistant des chevaux.
Ton ami pour l'éternité.